Quand les ajoncs fleurissent, entre usages d’antan et légende loudunaise
Il en est des plantes et arbustes forestiers comme des arbres. De tous temps, les hommes les ont lié à leur existence ainsi qu’à leurs croyances.
Il est ainsi des ajoncs, plante pour le mois aujourd’hui méconnue et délaissée. Et quelque peu rébarbative de facto par ses attributs piquants !
Toute aussi piquante est la légende loudunaise qui l’accompagne.
De bois en sous-bois
Dans nos forêts, comme notamment celle de Scévolles, l’ajonc a tendance à proliférer lorsqu’une coupe de bois a eu lieu. Il en profite bien entendu pour s’implanter avant que de nouveaux arbres grandissent. C’est une chose courante parmi les arbustes forestiers.
Il n’était pas rare encore récemment de voir des coupes de taillis faites par nos « anciens » qui utilisaient tout ce que la forêt pouvait leur fournir.
Les ajoncs étaient ainsi réunis en petits fagots.
Intrigué par cette pratique, je questionnais un ami bucheron.
Il m’indiqua qu’autrefois on confectionnait ces fagots car l’ajonc sec est hautement inflammable. On s’en servait alors notamment pour allumer le feu des fours à pain traditionnels.
De tout l’on se servait pour le quotidien
Tout était bon à prendre dans les temps anciens et dans les coins de campagne les plus pauvres.
Ainsi les ajoncs servaient aussi de fourrage ou encore de litière ajoutée aux fougères séchées. Et ceci lorsque la paille venait à manquer dans les périodes difficiles.
L’ajonc en tant qu’aliment
De ce que nous enseignent les livres anciens, les fleurs d’ajoncs sont comestibles.
On découvre qu’ils peuvent ainsi être séchés pour confectionner thés de plantes et infusions. En saison, la fleur peut accompagner les salades, comme c’est le cas pour les coucous.
En médecine populaire, il est noté qu’il ferait partie d’un des élixirs floraux de Bach (Edward Bach, médecin homéopathe , 1928 – 1936).
La légendes des ajoncs fleuris
Les plantes de la forêt ont leur côté mystérieux et magiques qu’affectionnaient les paysans d’autrefois.
Le christianisme s’en est emparé pour mettre en valeur la doctrine au travers de la vie des saints.
Ainsi, en est-il de l’ajonc et de Sainte-Radegonde.
Cette légende, inspirée de celle des Avoines, a pour cadre la forêt de Scévolle, et se situe près d’Angliers au Sud de Loudun, région où existent de nombreuses zones à ajoncs.
En voici le thème:
Durant le voyage que, par une froide journée d’hiver, Sainte-Radegonde avait entrepris pour se rendre de sa villa de Saix, en Loudunois, à Poitiers, avec ses compagnes Agnès et Disciole, la pieuse Reine pénétrait dans cette forêt lorsqu’elle reçut avis de l’approche de son époux, le roi Clotaire, qui s’était lancé à sa poursuite pour la ramener à la Cour.
Apparition du diable
A cette annonce, les trois femmes se dissimulèrent derrière une touffe d’ajoncs, mais le Diable, qui les épiait, chargea sa pie parleuse de dévoiler leur cachette au roi, lors de son passage.
Les servantes de Dieu, dénoncées par cet oiseau pervers, allaient tomber entre les mains du roi et de son escorte, quand par l’effet d’un miracle soudain, le buisson d’ajoncs où elles se cachaient se couvrit tout à coup de fleurs.
Clotaire abandonne la poursuite
A la vue de cette subite floraison dorée, Clotaire, comprenant qu’il s’agissait d’un avertissement céleste, abandonna sa poursuite et fit demi-tour.
Radegonde maudit la pie qui portait alors un plumage brillamment coloré et, en punition, condamna la descendance de l’oiseau à revêtir une livrée de demi-deuil et à pousser des cris rauques en place de chant.
Durant que la pie fuyait vers son nid haut perché, la Sainte lui lança ce quatrain passé en dicton dans le Loudunois:
«Fais le tant haut, fais le tant bas Que tu voudras, Terjous les passants verront Ton nic tout rond !»
Une autre version des ajoncs fleuris
L’érudit loudunais Charbonneau-Lassay a, en 1938, donné dans le bulletin paroissial de Saint-Pierre de Loudun une version joliment brodée et richement ciselée de la «légende des ajoncs fleuris».
Il déclare l’avoir entendu conter au temps de son enfance et en tenir le récit, plus circonstancié quant à la malédiction de la pie, de la bouche de l’abbé Girard, curé de Martaizé en 1905.
Il n’apparaît point que ce doublet du «Miracle des Avoines» ait des racines très anciennes dans la tradition populaire loudunaise.
On serait tenté d’en attribuer l’invention à quelques pieux ecclésiastiques du siècle passé désireux de doter sa paroisse d’un récit merveilleux jalonnant l’itinéraire suivi par Sainte-Radegonde lors de son déplacement de Saix à Poitiers avant la construction de l’abbaye de Sainte-Croix.