Noix et noyer dans la culture locale loudunaise
Savez-vous qu’une casserie de noix employait 15 personnes à Loudun au début du siècle dernier ? Et que même ces noix étaient exportées vers l’Amérique du Nord ?
Les noix font partie de la ruralité du Loudunais.
Noix et veillées
La « lucarne à blaireaux » (comme certains dénomment le téléviseur…) ne s’était pas encore installée dans les foyers campagnards. Alors les soirées d’hiver étaient bien souvent occupées par des veillées faites chez l’un ou l’autre.
Lien social, mais aussi lien pratique. Car les mains étaient bien souvent occupées à diverses besognes. Parmi celles-ci : l’énoisage. Il consistait à casser les noix pour en récupérer les cerneaux. Ceux-ci seraient par après envoyés aux moulins pour être transformés en huile.
L’huile de noix, un produit de qualité et de santé
Si le sud de la France a sa traditionnelle huile d’olive, le Loudunais a son huile de noix. Allons-y, soyons local-chauvin… L’huile de noix (dans sa version huile vierge et première pression) est la plus équilibrée des huiles végétales.
Le rapport entre oméga 6 et 3 se situe à 5, ce qui en fait une huile excellente pour la santé. Elle fait partie des rares huiles à être recommandée pour un usage quotidien. Il s’agit bien entendu de l’utiliser en assaisonnement.
Très intéressante pour protéger le système cardio-vasculaire, contre le durcissement des artères ; réguler le taux de cholestérol et réguler le système nerveux.
C’est un excellent vermifuge en cas de ténia. Elle a aussi des vertus toniques et antinomiques. Par le passé, on utilisait cette huile pour guérir un certain nombre de maux : calculs rénaux, rachitisme.
Une huile et ses applications
Cette huile était utilisée pour la cuisine. En assaisonnement de salades : chicorée, endives, mâches, laitues, pissenlits,.. Egalement en assaisonnement de crudités : tomates, concombres, céleri, betterave rouge, carottes râpées, haricots blancs, asperges,…
Pour les plats cuisinés, elle parfume délicieusement bon nombre de plats cuisinés (lentilles, fèves, haricots blancs, pomme de terre, purée,…) et facilite la digestion.
L’huile était également utilisée en dérivée pour d’autres besoins. Comme l’éclairage par exemple, lampes à pétrole et bougies n’étant pas encore très communes dans les foyers. Et là où en d’autres endroits du monde on utilisait l’huile animale, comme celle des baleines. Une variété d’huile dite « noire » servait à soigner hommes et animaux.
L’huilerie dans le paysage rural
Autrefois, de nombreuses huileries parsemaient le pays.
En Loudunais de nos jours, l’huilerie d’Inlay perpétue cette tradition.
Au bout de l’allée principale d’Angliers, au début du siècle dernier, une petite huilerie attirait les enfants au sortir de l’école… mais pourquoi donc?
Le pain « saucé », délice du passé
Mais bien entendu pour y venir chercher quelques morceaux de pain saucé lorsque l’huilerie était en pleine action. Le pain saucé figure toujours au programme du pressage dans les huileries, bien qu’il soit moins quémandé que par le passé, soucis prétendus diététiques mis en avant.
Enoiseuses, bavette et potins
Quand on parle de cette époque, les « anciens » relatent souvent le fait que le cassage des noix était souvent une opération réalisée par les femmes. Et la chose ne s’avérait pas unique au loudunais, comme cela se retrouve dans les écrits anciens.
Quand vient l’hiver chaque soir,
Près du feu, laborieuses,
Que de bavettes l’on taille!…
Ici tout haut, là, tout bas…
Et si le marteau travaille
La langue ne chôme pas,
Pan… pan… crac… crac…, la noix
Presque en mesure et, loquace,
Chaque Enoiseuse à son tour
Prend la parole et raconte
Quelque conte
Ou les nouvelles du jour.
Le noyer, un arbre dans la culture locale
Question que pose Vincent dans un texte publié pour une « Semaine du goût ». Quel arbre a joué un rôle plus important dans la culture loudunaise que le noyer ? Aucun.
Sa valeur était tellement estimée qu’il pouvait se vendre plus cher que la parcelle où il était situé, et c’est dire quand on connaît la valeur des terres agricoles du pays. Pas un village sans son moulin à huile, pas un champ sans noyer, pas une maison sans armoire en noyer ; tel était le loudunais il y a à peine un siècle.
A lire : Le noyer, comment le reconnaître
Un sol favorable, un bois de qualité
Les terres d’aubues lui sont tellement favorables que la qualité de son bois ne sont pas que légendaires. Il est dit, à la fin du 19ème s., que les noyers les plus recherchés au monde sont ceux de Turquie et… du Nord Loudunais. Il possèdent une teinte grise-violacée très prisée.
C’est d’ailleurs à Beuxes que grâce à la qualité du bois loudunais et chinonais la scierie Girard fait fortune en exportant les crosses de fusil en noyer vers la marine royale anglaise.
Une disparition accentuée par les remembrements successifs
Témoins de ces heures de gloire, quelques noyers résistent tant bien que mal aux évolutions agricoles.
Il n’est pas rare de voir des noyers étaler leur frondaison sur 25 mètres de large, ce qui leur donne une majesté sans pareil. C’est sans doute ce besoin de place qui est à l’origine de sa disparition progressive des zones cultivées.
Le noyer blanc, recherché par les menuisiers
Il s’agit du noyer blanc « Juglans régia » dit aussi noyer commun, sur lequel ne furent pratiquées que peu de greffes à but de production de noix. Ces pieds francs étant plus rustiques que les variétés greffées, il est normal de trouver des vieux sujets dans le Loudunais, certains ayant même survécu aux terribles gelées de 1939.
Le principal rapport recherché était celui du bois. Tant de menuisiers ont bâti sa réputation, au moins égale sinon supérieure à celle du cerisier. Le mobilier poitevin doit tout ou presque au noyer, de la table à l’armoire en passant par le buffet et la célèbre maie.
A lire : le noyer, arbre symbole du Loudunais
Et naturellement… les « apéros »
On ne pouvait bien entendu fermer cet article sans les traditionnels apéritifs dits « de ménage », réalisés avec les feuilles et les noix encore en lait.
Des apéritifs quitte conservent longtemps et se bonifient donc avec le temps… s’il n’y a pas trop de demande !
Nous en révélerons prochainement quelques recettes.
Des noyers en Loudunais
A ce jour le plus gros noyer connu du Loudunais se situe à Ranton. La circonférence du tronc est de 3m à 1,30m du sol. Pour ajouter une petite note d’exotisme, signalons enfin à Velors, la présence d’un très beau noyer noir d’Amérique.
A consulter et voir : Arbre remarquable, le noyer de Pouançay