Plantes sauvages et cultivées

Renaudot et le Polychreston

N’oublions pas dans ces pages de parler de cet homme illustre du Loudunais qu’est Théophraste Renaudot.
Un musée lui est consacré à Loudun, et en le visitant vous pourrez entre autre faire la découverte d’une de ses créations dans le domaine des plantes et de la médecine populaire : le polychreston.

Mais non, il ne faut pas le confondre avec le « Sirotifon » de la chanson populaire. Mais il en a les mêmes objectifs: être l’universelle panacée…
Pour certains, c’était la création du « premier médicament ». Mais il faut dire que sa composition n’était et n’est pas encore, totalement connue.

En voici toutefois ce que l’on en sait (naturellement sous toutes réserves…).
Et plus bas dans cette page, la harangue de Renaudot pour défendre sa création…

Le Polychreston, composition

ABSYNTBIJ TRIPLICIS ARTEMISIA ABSINTHIUM
ACETOLAE SYLVESTRIS ALOE FEROX
ACORI VERI ACURUS CALAMU
AMBRE
ANA DRAGNAS DUAE BAIS D’ALOES, ALOES FEROS
ANISI ANISUM
ARTEMISIAE ARTEMISIA ABCOTONUM
BACCARUM LUNIPERI JUNIPERUS COMMUNIS
BARDANAE ARCTIUM LAPPA
BASILICONIS MINUTI OCIMUN BASILICUM
BENJOURNI BENJOIN
BETONICAE BETOINE VULGARIG
BOLI BLEFLENFIS BELLIS PERENNIS
BORRAGINIS BORRAGINACEES
BUGLOSSE ANCHUSA OFFICINALIS
CALAMINTHAE CALAMITHAE
CARDIACAE LEUNURUS CARDIACA
CARDUI BENEDICTI CARDUI BENEDICTUS
CARDUI BENEDICTI CHARDONBENI
CARIOPHILLATAE CHOEROPHYLLUM SATIVUM
CARYOPHYLLORUM POLYGONUM AVICULARE
CHAMAEDRYOS ECHRAMEDRYS CAMOMELE
CHAMAEPITHYOS CHIMAPHILA
CINNAMOMI CINNAMUMUM
CITUNATI UNCIAE DUAS CITRUS LIMONUM BERGAMIA
CONFITURE ROSES CONFITURE ROSES
CONSUDAE FLORUM GRANDE CONSOUDE
CORLLI RUBRI
CORNU CERUI NON USTI CORNE DE CORE NON CHASTTE
CORTICIS CITRI CITOUS BERGAMIA
COSTI COTINUS
CYPERI CUPRESSUS SEMPERVIRENS
EBORIS
ENULAE IMULA HELENIUM
FALUIAE FOUET DE SCORCIER
FEMINIS CONRRA VERMES AULNE VERNE
FICAIRE HERBE AU FIC
FOENICULI FOENICULUM VULGARE
FOLIORUM AGRIMONIAE AIGREMOINE
FOLIORUM DICTAMNI CRTENSIS MERCURIALIS ANNUA
FUCHIA FUSAIN D’EUROPE
GALAGAE GALANGAE
GENTIANAE GENTIANA
HEDERAE TERRSTRIS HERDEREA TERRERTRIS
HYPERICI MILLEPORTUIS
HYPERICI TILIACEES
HYSSOPI HYSSOPI
IPERATORIAE IMPERATOIRE OSTRUTBIUM KOCB
IRIDIS ILLIRICAE IRIDACEES
LIGNI SASAPHRAS SASSAFRAS HUIL
LIGNIALOES
MACIS ZEAMAYS
MARRUBIJALBI MARRUBIUM VULGARE
MELLIS ROSATI MELITTIS MELISSOPBYLLUM
METHAE MENTHA
MILIJ FOLIS MELILOTUS OFFICINALIS
NAPI SYLVESTRIS NASTURTIM SYLVESTRIS
NAPISYLUESTRIS NEDETA CATARIA SYLVESTRIS
NIGELLA NIGELLA SATIVA
NIGELLAE ROMANAE NIGELLA
NUCIS MOSCATAE NOIX DE MUSCADE
OMNIUM SANTALARUM SANTALUM ALBUM
OMNIUM SANTOLORUN SANTALUM SANTALACEAE
ORIGANI ORIGANUM VULGARE
PAEONIAE MARIS PAEONIA
PAEONIAE PAEONIA OFFICINALIS
PAONIA MARIS PETROSELINUM SATIVUM
PENTAPHYLI POTENTILLA ANSERINA
PETROSELINI MACEDONICI PETROSELIUM CRISPUM SATIVUM
PIMPINELLAE PIMPINELLA ANISUM
PIPERIS LONGI POIVRE
PIPERIS NIGRI POIVRE NOIR
RADICIS ANGELICAE RADICIS ANGELICAE
RADICUM TUNICIS DIANTHUS TUNICA SAXIFRAGA
RENONCULACEE PETROSELINI PETROSELIUM SATIVUM
RUTAE RUE
SAMPSUCI SORBUS AUCUPARIA
SCABIOSAE SCABIOSAE
SCORDII SCORDIUM
SCORZONERAE SCORSONERA
SEFELEOS SCEAU
SEMINIS CITRI ACIDE CITRIQUE
SERPILLI THYMUS SERPYLLUM
SESELEOS SECALE CEREALE
SINSIBERIS SISYMBRIUM OFFICINALE
SPICAE LAUENDULAE SPIRAEA
SPICAE NARDI SPIREOLDEE
STEOCHADOS ARABICAE STACHYS OFFICINALIS
STEOCHDOS CITRINAE STACHYSEPLAIRES
SUCCINI CUCURBITACEES
SUCCINI SUCCISE SCABIEUSE
SUMITANUM SANTOLORUN SANTALUM SANTALACEAE
SUMITATUM NYPERICI SANTALUM SANTALACEAE
SUMMITATUM HYPERICI HESPERIS MATRONALIS
SYRUPI DE SUCCO SYRUP DE SUREAU
THIMI THYMUS VUGARIS
TORMENTILLAE POTENTILLA TORMENTILLA
ULMARIAE ULMACEES
VERBASCI VERBACUM THAPSUS
VERONICAE VERONICA OFFICINALES
VIN VINMULUATICI DU MADIRA
VIOLARUM ADORATA VIOLA ADORATA
ZEDOARIA ZEDORRIA CURCUM
ZINZIBERIS ZINGIBERACEES


Harangue sur le polychreston

Sa Majesté,.

Dédiée à Messieurs de l’Assemblée.
A Loudun
Par Quentin Mareschal
dit La Barre – 1619

Messieurs,
Ce que l’homme est au monde, la tête en l’homme, l’œil en la tête : les sciences le sont à l’entendement, la Médecine l’est es sciences, et le remède dont nous allons traiter, en la Médecine ; l’excellence et la nécessité duquel art il n’y à celui de ses médisances qui ne soit contraint de reconnaître, et lui tendre les mains une fois en la vie. Comme ces lâches Siracuzains lesquels disaient tous les maux du monde de Dion leur libérateur tandis qu’ils estaient en trève avec leur Tyran ; mais sitôt que l’enceinte de la muraille, qui séparait ce Tyran d’avec eux, vint à être attaquée, furent contraint d’implorer sa faveur et de recourir à son aide.
Or cette Médecine nous enseignerait en vain de connaître les maladies, si la Pharmacie ne nous apprenait à y apporter les remèdes ; Inutiles ces remèdes si par le choix, préparation et mélange de ces derniers ils n’étaient accommodés à notre usage. C’est ce que nous faisons à présent, en continuant la louable coutume de nos anciens, qui ne se sont pas contenté d’être fidèles en effet en la composition de leurs médicaments, mais les préparants en public ont voulu que leur fidélité ne puisse pas être même tant soit peu révoquée en doute.
Entre ces médicaments nous en avons choisi un nommé Polychreston, mot Grec qui signifie autant comme très bon et utile à beaucoup de choses.
Et l’avons choisi non seulement pour les rares propriétés qui se trouvent encore plus véritablement en lui que son nom ne le témoigne, mais aussi pour ce qu’ayant été trouvé depuis quinze ou vingt ans en çà seulement, la composition peut être appellée nouvelle, et qu’il est originaire de ce pays, son invention estant due à l ‘industrie seigneuriale et docte expérience de Médecins de Poitiers, du voisinage duquel cette ville se sent honorée. Eux donc que voyant le peuple affligé de maladies rebelles à tous autre remède, telles que sont la paralisie, le tournoiment, l’apoplexie, le mal-caduc, la mélancolie, les cathares et defluctions, la toux, la colique, le calcul, la suffocation de mère, les maladies contagieuses, les fièvres, les gouttes et infinies autres : d’un commun consentement composèrent ce remède ici pour y avoir recours comme les Troyens à leur Palladium, les Druides au guy, les mariniers à leur Ancre sacrée.

De fait puisqu’en toutes disciplines il y a quelque chose de haut et de relevé par dessus la connaissance du vulguaire. En la réthorique l’orateur parfait, en l’éthique le souverain bien, en la police la république bien administrée, en l’astrologie les vrais effets des figures célestes, en la musique l’harmonie complette, en la géométrie la quadrature du cercle, es méchaniques le mouvement infini, es hydrauliques la fontaine sans fin, en l’optique le miroir universel et la lumière perpétuelle, en la nature mille merveilles et particulièrement en la Médecine l’Elixir, auxquels il est plus aisé d’aspirer que d’espérer jamais atteindre. C’est le moins que nous puissions faire de nous feindre en chacun et de ces disciplines là, au lieu de ces objets si éloignés, quelque chose d’équilibré et proportionné à notre portée.

C’est encore ce que nous faisons à présent en la composition du Polychreston, lequel contient en sois comme un abbrégé, les plus excellentes propriétés qui se puissent trouver diffusés en tous les individus de la nature.

L’homme est composé de trois parties de l’âme qui est toute diminuée du corps qui est tout terrestre, des esprits qui servent de moyen à l’un et à l’autre. Le corps y trouvera des éléments, les esprits des facultés, et l’âme des doctrines. Et de ces doctrines derechef les unes traiteront des simples médicaments qui entrent en cette composition, les autres en tireront des instructions nécessaires à notre usage.

Le Polychreston est un antidote en forme d’électuaire liquide, composé d’une poudre et de quelques sucs, syrops, conserves, confitures et miel pour lui donner corps et consistance : laquelle poudre derechef est composée de quatre vingt trois ingrédients qui ont chacun leur nom et leurs qualités distinctes.

Car encore que la plupart des simples qui entrent en cette composition conviennent en ce point, qu’ils ont une vertu singulière de résister aux venins d’autant plus sure qu’il n’y a rien en elles d’étrange et d’ennemi de notre nature, non pas même de ce minéral comme en plusieurs autres, que le seul respect de l’antiquité nous empêche d’appeler suspectes, si est-ce que cette vertue altère sa remarque plus éminente et en divers degrés en uns que non pas en autres.

Ainsi la racine de l’oeillet sauvage qui tient ici le premier rang, le cinnamome, le bois d’aloès, la tormentille, la quitefeuille, l’origan, l’impériale, l’angélique, le galanga, la rue, le scordium et la scabieuse résistent particulièrement au venin des maladies contagieuses, notamment la calamente à la lèpre.
La scorcenère à la morsure des aspics.
Le fenouil, la rue et le dictamne à celle des serpents et aux éblouissements d’yeux et stupidité d’oreilles qui en procèdent.
Le verbascum, ou tapsus barbatus, la marjolaine et basilic, à la piqûre des scorpions et contre la débilité des membres que leur venin apporte.
Les absyntes servent contre les insectes des intestins et dissipent le phlegme qui en est la cause.
La zédoaire ou antore, contre le poison du tore ou napel.
L’ambre, le corail, la menthe, le tapsus, la terre de blois sont propres aux venins qui ont pour symptômes le flux de sang et la diarrhée.
La véronique, la verveine, l’hypreicum, le lierre terrestre à ceux qui sont avec ulcère.
Les mêmes zédoaire, et ambre quand la personne en est exténuée. L’épi de lavande, lorsque la parole est perdue, pour le recouvrement de laquelle son eau est distillée a une propriété occulte.
Ainsi le chardon-béni, la reine-des-prés, le chamédrys, la corne de cerf, l’ivoire domptent la fièvre que ces venins allument en nos humeurs, ou nos humeurs en elles mêmes.
La pivoine, le stoechas, la sauge, la bétoine, les fleurs de romarin, la girofle, fortifient le cerveau.
L’hissope, l’iris, les figues et la reglisse servent à la poitrine.
Le coing, les noix, les muscades, les myrobalans à l’estomac.
La graine de genièvre, le poivre, le fenouil et l’anis, à lui et aux intestins.

L’agrimoine, le lierre-terrestre, la pimprenelle, et les santaux au foie. L’acore à la ratte.
Les semences de lithospermum et de bardane, et le mille-pertuis aux reins..
L’armoise, le calament, la menthe, le séseli, le serpolet à la matrice. Le bois de sassaphras provoque la sueur.
Le vin corrobore les esprits.
Le miel et les syrops servent à la miction, dulcoration et conservation du composé.

Mais ces vertues ne sont rien au prix de tant d’autres vertues que cette composition nous y propose, si expressement qu’elle semble avoir été inventée exprès pour nous donner autant d’enseignements que de simples, et pour nous instruire en la plupart des perfections chrétiennes et morales.

Théologiens permettez-moi mettre aussi heureusement ma faux en votre moisson, que vous en la mienne.

Nous y voyons l’impériale le signe de la foi impératrice des vertues chrétiennes. Comme la foi voisine le ciel ainsi cette plante qui ne croit que sur les hautes montagnes. Comme la foi produit en nous des pensées droites, des paroles candides, des oeuvres de bonne odeur : ainsi la tige de cette plante est droite, ses fleurs d’une blancheur exquise, sa graine des plus odorante. Comme par la foi nous sommes purgé de nos péchés, ainsi cette plante sert à purger nos humeurs corrompues. Comme la foi est ardente, ainsi cette plante est de la nature du feu. Comme notre foi semble bien souvent obscurcie, mais ne meurt néanmoins jamais : ainsi la racine de cette plante noircit bien au dehors, mais au dedans étant mêmes arrachée elle est toujours verdoyante.

Toujours verdoyante l’espérance dont le citron toujours vert et toujours poussant de nouvelles fleurs, de nouveaux fruits, de nouvelles feuilles, est ici le symbole. L’espérance convertit tout en bien : ce qui est le plus amer est adouci par elle : tout en un mot lui est profitable. Le citron n’a rien d’inutile : son odeur sert d’antidote et de préservatif, sa chair est raffraichissante, son suc cordial, stomachale son écorce, l’huile qui en résude arrête les dartres et eresipèles, ses fleurs servent de parfum, sa graine est dessicative, son eau distillée embellit la face, ses feuilles sont résolutives, son bois exquis à mettre en toute sorte d’ouvrage.

Athénée rapporte que deux Egyptiens ayant été condamnés à mourir de la morsure des aspics (genre de mort usité en ce pays là) mangèrent chacun un citron qui leur fut offert comme on les conduisait au supplice ce qui empêcha qu’ils ne ressentent aucun mal de leurs morsures. De quoi le juge étonné, pour s’assurer d’avantage de cet effet si prodigieux, commanda le lendemain avant qu’on les ramena au supplice qu’on donna un citron à l’un, qu’on n’en donna point à l’autre ; celui qui eut le citron fut préservé, l’autre mourut à l’instant tout livide.

Et l’espérance du fidèle n’a-t-elle mainte fois non seulement résisté au venin des plus cruels aspics, mais vidé la rage forcenée des plus furieuses, rebouché la pointe des couteaux, garanti du péril ceux qui étaient enveloppés dessous le mortel courant des ondes, amorti l’horreur des feux et des flammes et rendu les hommes insensibles aux supplices et aux tourments, voire à l’aiguillon de la mort même ? qui n’a plus d’aiguillon contre ceux qui sont nourris en l’espérance d’une vie éternelle et bien heureuse.

La charité nous est figurée par l’ambre. Ce bitume marin desseché demeure transparent, afin que tu voies, et que tu connaisses autant que d’aimer, et pour t’apprendre à te communiquer et laisser voir jusqu’au centre de ton cœur à ce que tu aimes.

L’ambre attire la paille, pour nous montrer que l’amitié ne dépend pas de lèvres, mais qu’il faut t’approcher des entrailles de ton frère, mais qu’il faut approcher ton frère de tes entrailles : voir il attire le sestu combien qu’il ne soit pas si grand prix que lui pour te montrer que l’amitié ne dépend pas non plus des qualités, que quand ton frère ne vaudrait pas un sestu, quand tu serais tout d’ambre, quand ton frère n’aurait que la forme, que la couleur d’homme comme le sestu n’a rien que la couleur jaune de l’ambre, si est-ce que la même chaleur qui anime l’ambre à cette action ne devrait pas pourtant laisser d’échauffer la tienne. L’ambre broyé est fort propre pour engraisser, et remettre en meilleur état les personnes maigres, et exténuées : la charité rompt son cœur, et puis son pain au souffreuteux et indigent et n’a point de cesse qu’elle ne l’ait refait, qu’elle n’ait soulagé sa misère. L’ambre encore est un puissant remède pour arrêter le sang, la charité n’a rien de si cher ni de si précieux que le sang de ses frères ; pour lequel épargner elle est même prodigue du sien, et s’écrierait volontiers avec cette généreuse Dame Romaine, qui voyait couler le long de son beau sein le sang de ses veines, et prévoyait celui de son mari Paetus qui s’en allait couler,

… hoc vulnus non dolet, inquit, sed quod tu facies hoc mihi Paete, dolet.

Simeon Sethi et Serapion disent que le bois d’Aloès dit agalochum, avant qu’être utile en la médecine est longtemps agité des flots du grand fleuve Ganges sur le bord duquel il croit, qui le jettant finalement à bord, il est enseveli et mis en terre l’espace d’un an entier, d’où les habitants du lieu le tirent dépouillé de son écorce tel que nous le voyons exquis et odorant. C’est ainsi qu’agité et battu des flots impétueux de ce monde, le monde nous rend à la terre, la terre au ciel, et le ciel à Dieu pour lui rendre le parfum d’une luange éternelle.

Et notre salut est-ce pas le dictamne de nos plaies qui arrache de nos coeurs les dards enflammés du malin, comme cette herbe salutaire tire à l’instant les flèches du corps des cerfs et des chèvres de Candie, c’est-à-dire des plus faibles et infirmes de l’Eglise.

Laquelle Eglise derechef le figuier nous représente en ce lieu. Le figuier en apparence est l’arbre le plus frêle, et qui dure le moins de tous. Mais quand il semble mort, et qu’on vient pour le couper : C’est lors qu’il jette du pied, et que par la multitude de ses branches, il montre la vigueur de sa racine ; et une seule feuille du figuier d’Inde produit un autre figuier , non sans l’admiration de ceux qui contemplent ce miracle. L’église de Dieu semble être des plus fiables : voire même quelquefois pancher à sa ruine, si bien qu’on viendra pour y mettre la serpe : mais c’est alors qu’elle jette de nouveaux rameaux, c’est alors qu’elle reverdit le plus, c’est alors que chaque feuille produira non seulement sa fleur ou sa tige mais aussi son arbre. Le figuier est tottu et raboteux, ne fleurit que peu ou point mais a des fruits doux et délicieux. L’église de Dieu n’a pas souvent grande apparence, rarement vous la voyez en fleur, mais elle produit des fruits les plus beaux et les plus agréables au monde..

Il n’y a taureau si furieux qui ne s’apaise si on l’attache à un figuier : il n’y a homme de col si raide, si vitieux et indompté qui ne s’apprivoise lors qu’il plait à Dieu lui toucher le cœur et l’appeller à son Eglise. Le figuier aime naturellement l’olivier. L’Eglise de Dieu n’aime rien tant que la paix et la concorde. Et cette autre figuier d’Inde duquel parle Théophraste, qui a le tronc de son arbre naturellement vouté, les feuilles épaisses et bourrues,, le fruit en beauté et bonté surpassant les nôtres, ne servira pas peu à cette comparaison, vue que quelques Théologiens ont cru que cet arbre se trouvant encore aujourd’hui au même lieu où l’on estime le paradis terrestre avoir été situé, était l’arbre de vie, du fruit duquel pour être par ses tous désirable en sa beauté nos premiers parents mangèrent, des feuilles duquel, comme s’étant trouvées les plus proches après leur pêché et les plus propres à cette effet, ils se firent des ceintures pour cacher leur nudité, et dans le creux duquel criminels, ils se cachèrent au bruit de la voix de Dieu lorsqu’il les vint interroger, confronter et prononcer leur sentence.

Qui pourrait s’empêcher en considérant le chardon-béni courbé vert terre, abject sans odeur ni apparence, nonobstant les grandes vertus qu’il a contre les fièvres, les venins, l’épilepsie, et les maladies contagieuses : de contempler en lui le patron de l’humilité et modestie ?

Comme au contraire l’épi de la lavande est l’emblème des orgueilleux. Tous deux sont vides, tous deux portant néanmoins la tête la plus droite. Et comme l’huile qui distile de cette plante, appellée vulgairement huile d’aspic est d’une senteur si insupportable qu’elle gâte la bonne odeur du musc de l’ambre-gris, de la civette et des autres espèces aromatiques si bien qu’on est contraint de la laisser en arrière boutique, de même les paroles superbes sont si difficiles à endurer qu’elles font perdre la grâce à tout ce qu’il y a de meilleur au reste, de sorte qu’on est contraint de les rejetter en arrière.

Ainsi le poivre est le portait de l’Ambition, le poivre est chaud, l’ambition brûle. Celle-ci cause des ardeurs, celle-là des démangeaisons continuelles ? Celle-là croit sur le Mont Caucase, mont âpre et de difficile accès, celle-ci ne vit point de
choses faciles, et loge volontiers es plus hauts courages. Le poivre pourtant sert de sauces à la plupart des vivres, l’ambition pourtant sert de pointe à la plupart des entreprises.

Le fenouil représente la science, l’un et l’autre aiguise la vue, l’un et l’autre fait quitter la vieille peau, l’un du corps, et l’autre de l’âme.

Le persil à l’opposite est la devise de l’ignorance, obscurcissant tous deux l’un les yeux, l’autre l’entendement de l’homme.

Quiconque voudra voir combien diffère la censure, et réprehension fraternelle, d’avec la flatterie d’un côté, et la calomnie de l’autre, qu’il mette l’absynte entre le tapsus ou bouillon blanc et la bardane.

L’absynte amère à la bouche mais salutaire à l’estomac, tuant les vers et désopilant le foie, est le vif crayon de cette censure. Si on écrit de l’ancre faites de son suc, jamais les teignes les souris ni les autres insectes ne rongeront cette écriture : ainsi les écrits échapperont la dent des Aristarques, et seront éternels si on les a soumis à la correction et à la censure.

Le tapsus au contraire, le portrait de la flatterie et dissimulation, à la cheville molle et lisse comme du velours mais la racine est des plus amère : comme le flateur et le dissimulé couvent un cœur plein de fiel sous des parolles de foie. Les fleurs de cette herbe servent aux villaugeoises à teindre leurs cheuveux. Comme l’éloquence la simplicité, a déguiser la vérité, à donner divers sens à choses diverses.

Aussi comme les tiges de celle-là attirent les vers quelque part qu’on les mette, de même celle-ci sent la corruption à pleine bouche.

La bardane aux feuilles livides, à la racine noire, d’où sortent cent têtes épineuses, dont les aiguillons ne piquent pas seulement les passants, mais s’attachent à eux, et arrachés à peine, y laissent leurs pointes bien imprimées, nous marque la calomnie, qui noire et livide de venin le lance de cent lanques pointues sur les âmes plus innocentes et souvent y laisse la cicatrice.

Remarquable est la similitude du mille-pertuis avec celui qui décèle les secrets. Tous deux percés à jour, tous deux de belles fleurs et de mauvaise graine. Tous deux répendent le sang humain, celui-là frotté entre les doigts, qui lui a donné le nom d’androsaemon, celui-ci fomentant par ses rapports la discorde sanguinaire.

Considérable le rapport de la patience et résolution avec le milium folis ou lithospemum, petite herbe laquelle nonobstant sa mollesse produit avec le temps des pierres ou plutôt des perles pour sa graine. Pour montrer que le temps rend toutes choses possibles, jusques à changer des herbes en pierres, et des pierres en perles, pour rémunérer ceux qui ne se seront point laissé emporté à l’impatience.

Belle la comparaison de la magnanimité, et constance avec le corail, lequel, mol et tendre qu’il est dessous les eaux s’affermit à l’approche de ceux qui viennent fonder, et s’endurcit à même qu’on le touche.

Au contraire de l’helenium ou enula campana, l’image de la corruption et lâcheté vénale : l’une et l’autre portent à la vérité des fleurs dorées, mais cherchez jusques à leur racine, vous la trouverez noire, acre et amère. La graine d’helenium par son seul attouchement cause aussi un prurit de tout le corps : les présents une fois touchés n’en sont pas moins es esprits des hommes. Galien en son livre de le Thériaque à Pison dit le jus de cette herbe être si puissant que les chasseurs en arrêtent tout court leur venaison, en ayants seulement tant soit peu frotté leurs flèches. Bon Dieu que de venaison prise et abbatue par ces flèches ! Et quels et combien de braves coureurs ces pommes d’Atalante ont elles arrêté au plus beau de leur carrière !

Infinies les parallèles qui se tirent comme d’elles mêmes entre la chasteté et l’ivoire qui la produit, arrêtant le flux de la semence entre la sobriété et la racine de l’oeillet, dont nous avons déjà parlé, qui ampêche l’ivrognerie. Entre la justice et cette composition qui donne à chacun de ses simples le poids et la mesure qui conviennent et demeurant toujours une même se distribue diversement selon la différence de l’âge, du sexe, du tempérament et des autres circonstances.

Il n’est état et condition qui n’y trouve la sienne.

Le gentil Iris ou flambe se voue à la noblesse. Comme la noblesse porte l’épée, l’Iris porte des lames pour ses feuilles d’où vient que deux de ses espèces s’appellent gladioli ou petites épées. Ces épées ne sont pas pointées les unes contre les autres, mais s’embrassant mutuellement regardant toutes deux le ciel pour apprendre à la noblesse que c’est là où elle doit tendre et que pour y parvenir quittant leurs partialités ils doivent s’unir ensemble d’une amitié et concorde fraternelle. Comme la plus ancienne noblesse est la plus estimée, ainsi le plus vieil iris est le meilleur, de plus suave odeur et est estimé d’avantage.Comme la noblesse par sa valeur procure le repos de l’Etat qui l’emploi, ainsi l’Iris par sa vertue provoque un agréable sommeil à ceux qui en usent. Comme il se trouve bien des Iris bigarrés mais le plus commun est parsemé de jaune et de bleu les couleurs de nos rois, de même la noblesse porte communement ces royalles couleurs imprimées dedans l’écusson de leurs coeurs, et disparaît tout intérêt particulier lors qu’il s’agit de la fidélité et du service du à leur Prince. Mais ce même bleu qui sert de champ aux armes de nos rois, c’est celui dont la bute du ciel est azurée, afin que l’un de vous fit toujours souvenir de l’autre. Bref comme le meilleur Iris est celui qui a les mêmes racines les plus fermes, de même la noblesse méritera d’autant plus ce nom plus elle montrera de fermeté au bien, de résolution et de confiance.

Et vous qui paissez les troupeaux de Dieu, Ministres de sa parole n’aurez-vous point ici de part ? Oui, cette excellente scabieuse vous en fournira. Cette herbe croit en tous lieux, pour montrer qu’aucun lieu ne vous doit être inaccessible. Ses feuilles sont couchées par terre, pour vous apprendre l’humilité que vous devez enseigner aux autres par votre exemple. Sa racine est profonde, signe que vous devez être profonds en science, et en bonne doctrine afin que vous y puissiez asservir les autres. Cette même racine est blanche, pour témoigner votre candeur ; dure, votre insistence ; nerveuse, votre force ; douce, néanmoins votre affabilité et courtoisie. Ses fleurs font mi-parties de pâle témoins de votre étude, et de bleu signe de votre vie céleste. Ses fleurs encore sont teintés dans un bouton toujours vert symbole de l’espérance et de la vigueur qui vous doit accompagner en l’exercice de vos charges. Ce bouton merveille de nature ! ressemble à une tête toute parfumée d’yeux de couleur de plume de paon, pour vous apprendre de combien d’yeux vous devez veiller premièrement sur vous mêmes, et puis sur le troupeau que Dieu vous a commis en garde. Cette herbe est chaude et séchée de la nature du feu, le type du zèle et de l’ardeur qui doit enflammer vos âmes. Elle purge par la bouche les phlegmes de la poitrine comme par la parolle de votre bouche vous nettoyez les péchés du cœur des hommes. Elle ôte les gales, et immondices de la peau, d’où lui est venu le nom de scabieuse, comme vous travaillez à chasser les vices qui paraissent au dehors et à repurger les scandales de l’Eglise. Sur tout elle est souveraine contre les charbons pestilentieux qu’elle fait fondre et évanouir en un instant : comme sous vos pieds on voit fondre les erreurs et les hérésies vraies pestes des âmes.

De laquelle hérésie au contraire la rue est ici le vif portrait. Elle paraît plus verte que l’herbe dont nous venons de parler. Elle s’aime dessous le figuier que nous avons dit être la figure de l’Eglise. Elle cherche tant l’apparence et l’éclat qu’elle porte mêmes un bonnet quarré pour sa graine. Mais c’est pour tuer ceux qui en mangeront trop, c’est pour étouffer jusques au fruit du ventre, c’est pour ulcérer tout ce qu’elle attouchera, c’est pour empuantir tout ce qu’elle approchera. Tant il y a de différence entre la vérité et le mensonge.

Où nous répondrons à l’objection qu’on pourrait faire pourquoi nous faisons entrer des choses mauvaises en cette composition inventée pour le bien des hommes tant seulement ? que c’est le propre de notre art de tirer le bien du mal, par le choix, la correction, et le mélange.

Ce serait faillir de donner au peuple ou tiers-état une autre herbe que celle que Pline lui attribue au livre 25 chapitre 9 de son histoire, la verveine, fort propre à consolider les plaies, pour apprendre à ceux qui se veulent rendre populaires qu’ils doivent soulager leurs maux et guérir leurs blessures. C’est pourquoi les Ambassadeurs parlants au nom du peuple portent la verveine dans la main. Et la table de Jupiter en leurs festins publics en était nettoyée ; voire même la sale où se faisait ce festin était arrosée de l’eau où avait trempé cette herbe, estimants que cela servait à augmenter la liesse, et tranquilité publique.

Nous ne saurions mieux finir qu’en la Royauté, dont la noix de muscade est le type. La noix s’appelle bien juglans, le gland de Jupiter, le gland que Dieu a lui même planté pour paître son peuple. Ses feuilles chassent toute sorte d’insectes, son bois est propre à tous les ouvrages de menuiserie, l’écorce de sa racine utile à la plus part des fièvres ; ses fleurs astringentes ; son fruit, même encore rude et imparfait, les délices des hommes (principalement si aux donts de la nature est ajouté le sucre d’une douce éducation) ; son huile est bien la nourriture et la lumière des pauvres ; pour apprendre aus Rois le soin qu’ils doivent avoir. Mais la noix de muscade par son admirable structure, nous sert particulièrement d’un tableau raccourci pour y contempler la dignité Royale. Ce fruit sans pair est conservé dedans ses branches touffues, comme un bon Roi dans le sein de ses fidèles et naturel sujets. Suit après une écorce épaisse et verte qui représente la vigueur et la force du régiment de ses gardes. Puis se présente une écaille dure laquelle comme d’autres gardes du corps le déffendent et l’environnent de plus près.

Passant plus outre encore vous y trouvez une coiffe épaisse appelée macis, tissus de peu de filets, d’une couleur purpurée, d’une odeur exquise, d’une saveur aromatique, d’une vertu rare et excellent ; représentant ceux qui voisinent les Rois de plus près, qui ont l’entrée de leurs cabinets et se sentent le plus de leurs bontés et magnificences Royales. Au milieu de tout cela réside le noyau de la précieuse noix muscade, qui nous marque la personne du Roi, et sa Majesté Royale ; Toujours résudante de ligueur, toujours respirante de parfum, toujours les délices du genre humain, toujours se support des estomacs abbatus, toujours le restaurant des âmes languissantes. L’arbre qui la porte n’est point cultivé, aussi disons nous que d’avoir un bon Roi (comme nous l’avons) c’est un don de Dieu, et non point l’ouvrage des hommes. Ceux de l’Isle de Bandan où cet arbre croit en cueillent tant qu’il leur plaît, il ne leur faut que du soin et la diligence, car là toutes choses sont communes. Les bons Rois se donnent également à tous leurs sujets et leur laissent prendre semblable part aux offices et dignité de leur état sans y apporter autre acception de personnes que celle qui dépend du mérite de la fidélité et diligence. De cette noix de muscade distile une huile qui n’a point de pareille pour la guérison des tremblements et des douleurs anciennes. Aussi est-ce des bons Rois, voire des rois seuls que leur peuple attend d’être délivré de ses tremblements, de ses craintes et de tant d’autres maladies qu’il souffre, maladies hélas trop anciennes et invétérées !

C’est fait si cette grande assemblée choisie comme un précieux bouquet des plus belles fleurs de ce Royaume dont la bonté du Roi daigne à présent couronner cette ville pour lui envoyer d’ici le parfum de ses sentiments ; c’est fait si cette florissante assemblée ne m’eût semblé tirer l’oreille. C’est à vous, âmes généreuses, c’est à vous que ces feuilles, que ces fleurs, ces fruits, et ces racines parlent, c’est pour vous que cette composition se vante d’avoir été inventée . Comme elle, vous êtes composés de quatre vingts trois ingrédients. Comme ces ingrédients là nous viennent de divers pays, le fort cinnamone de l’Invincible Rochelle, le bol de Blois, le séseli de Marseille, le stoechas des monts Pyrénées, ainsi faites vous. Comme ils ont chacun leur goût, leur odeur et leurs propriétés séparées, il en est volontiers de même de vous. Mais comme chacun de ces simples n’entre pas plutôt en la composition qu’aussitôt ils se dépouillent de sa couleur, de son odeur et de ses qualités premières, pour ne paraître sentir et n’agir plus désormais sinon conjointement avec le corps entier du composé. Ainsi faut-il qu’après une résolution prise chacun de vous se dépouille sois-même de sois-même, si vous voulez servir de polychreston, d’un remède bon à beaucoup de choses.

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